Diane Musho Hamilton PK (1)Collaboration spéciale

Diane Musho Hamilton, Ten Directions

Facilitatrice, maître zen, auteure et médiatrice douée, Diane Musho Hamilton est une pionnière en matière de dialogues sur la culture, la religion, la race et les relations entre les sexes. Elle est un des principaux membres de l’Integral Institute. De plus, depuis plus de dix ans, elle approfondit la question de la conscience de soi individuelle et collective. Elle est cofondatrice d’Integral Facilitator et aussi auteure du livre Everything is Workable: A Zen Approach to Conflict Resolution.

 

En tant que médiatrice, j’ai commencé à m’intéresser au développement des adultes à l’époque où j’animais des échanges sur le système de justice pénale et sa relation avec les gens de couleur aux É.-U. Nos conversations portaient sur des sujets habituellement ardus et complexes – des questions liées aux privilèges des Blancs, à la race et la justice. C’est pendant cette période que j’ai commencé à remarquer les nombreuses aptitudes des gens à parler des différences et à interagir avec les différences.

J’ai remarqué, par exemple, qu’il y avait des gens qui ne pouvaient tout simplement pas distinguer un problème et d’autres qui s’enflammaient à la seule possibilité d’un changement. Certains étaient respectueux et impartiaux, participant de leur mieux, mais sans vraiment prendre de risque. D’autres étaient en colère et dominants.

Puis j’ai remarqué qu’il y avait aussi des personnes d’exception, capables d’être tout ça en même temps. Elles pouvaient être à l’aise avec un état de choses, mais aussi se montrer exigeantes et furieuses, ou encore ingénieuses et ambitieuses.

En même temps, lors des réunions, je notais que certaines personnes pouvaient adopter différents points de vue, alors que d’autres n’en avaient qu’un seul – le même que tout le monde dans le groupe. Ceux qui pouvaient adopter différentes perspectives me fascinaient, et j’ai particulièrement aimé travailler avec eux.

Peu après, j’ai découvert le travail de Ken Wilber, qui fait référence à de nombreuses recherches sur le développement humain adulte. Ken met particulièrement l’accent sur un aspect essentiel de ce développement : la capacité d’adopter de plus en plus de perspectives. Il décrit pourquoi la plupart des disciplines – médiation, communication, affaires, médecine, éducation – devraient se pencher plus sérieusement sur la façon dont les humains se développent.

Le développement, ou le désir de continuer à grandir, semble gravé sur notre « disque dur ». Au cours de notre vie, nous tendons vers un plus grand nombre de perspectives et vers la complexité. Un bébé apprend à marcher et à parler; un enfant qui devient adolescent commence à percevoir le monde de manière différente. En milieu naturel, l’évolution consiste toujours à passer des structures simples aux structures de plus en plus complexes. En tant qu’humain, notre développement accroît nos aptitudes à porter attention, à recevoir, à ressentir de l’empathie et à performer. Nos capacités augmentent, nous développons plus de compassion. Nous pouvons démontrer davantage d’inclusion et faire de plus en plus de place à la différence sans avoir besoin de considérer la réalité d’un angle unique.

À mesure que je faisais ces distinctions, je constatais que la capacité des gens à se manifester et à réussir en situation de collaboration dépendait de leur habileté à se développer. Jusque là, j’avais étiqueté les gens comme sympathiques ou antipathiques, bien disposés ou désintéressés. Mais d’un angle développemental, je commençais à constater que certaines personnes sont littéralement incapables d’adopter différentes perspectives, tout comme les tout-petits sont incapables de courir.

En un sens, nos points de vue nous ancrent à la réalité. Si pour moi A est vrai, mais que vous dites que c’est B qui est vrai, alors l’introduction de B dans mon esprit ébranle soudainement mon rapport à la réalité. L’incertitude prend forme – il en découle de l’anxiété, un manque de fondement, de l’insécurité. Nous avons alors tendance à nous accrocher à une perspective unique pour que le monde nous semble plus solide. Ce genre de tension se manifeste chaque fois que nous vivons un conflit ou que nous tentons de rassembler un groupe de personnes autour d’une vision commune, d’une idée sur la façon de progresser.

À un moment donné, il peut arriver qu’on s’intéresse davantage aux différences. On découvre qu’un autre point de vue nous aide à voir le monde à travers un plus grand objectif, même si on en éprouve une certaine instabilité. On commence alors à développer un goût pour la différence. Plus on s’y habitue, plus on y puise des renseignements. Et bientôt, notre perception du monde est plus riche qu’avant. Dans ce processus, il arrive qu’on perde un sentiment de stabilité, mais on développe une liberté et une ouverture incroyablement gratifiantes. On arrive à supporter un certain manque de fondement, parce que le sentiment de développement s’avère très enrichissant.

J’ai entendu dire qu’on atteint régulièrement un plateau au cours de nos apprentissages, et ce, jusqu’à ce qu’une difficulté se présente – maladie, perte ou divorce. Bien que douloureuses, ces expériences nous obligent à sortir du statu quo, ce qui engendre une nouvelle énergie, une nouvelle croissance. On peut s’en trouver ébranlé, mais l’intérêt l’emporte. Le même phénomène prévaut dans notre vie de tous les jours et dans notre milieu de travail. À mesure que nous développons nos aptitudes à communiquer avec les gens qui ont une perception différente, que nous acceptons la différence au lieu de l’éviter, les choses deviennent plus intéressantes. Notre milieu de travail devient plus créatif et excitant. Des études montrent même que les organisations qui jouissent d’une plus grande diversité sont des leaders en matière d’innovation.

Au cours de mes formations, je propose un exercice dans lequel les gens doivent penser à un moment où leur perspective a changé alors qu’ils voyaient le monde d’un certain angle et qu’un événement s’est produit pour tout remettre en question. Immanquablement, quand les gens se rappellent d’un tel changement de perspective, c’est pour l’apprécier. Ils sentent que les choses ont changé pour le mieux, même si c’était douloureux à l’époque.

En quoi ces habiletés relationnelles améliorent-elles un milieu de travail ? Il nous suffit de prendre pour exemple une récente étude1 menée par Google sur les qualités des équipes performantes. On a découvert que leur environnement est riche en sécurité psychologique, autrement dit que chaque membre est encore respecté même s’il a fait des erreurs ou pris des risques. Les gens se soutiennent mutuellement. Les conflits y sont perçus comme des générateurs d’opportunités – ils surviennent, ils sont réglés, et tout le monde repart. On ne s’y enlise pas en d’interminables luttes de pouvoir. On n’y trouve pas de combat tacite, de conflit de compétences et de joute politique qui nuisent au plaisir d’être ensemble. En lieu et place, il y a l’aisance, l’efficacité, la créativité et même la joie. Travailler dans un pareil environnement est une source de plaisir qui débouche sur des capacités ainsi qu’une créativité supérieures.

Un autre point de vue sur la valeur de la communication et des relations provient de l’étude à long terme menée par Harvard, la Grant Study2, qui s’est penchée sur le bien-être et le bonheur des diplômés masculins de Harvard. On y a observé qu’à mesure que les hommes vieillissaient, le bonheur des individus correspondait à la persistance et à la profondeur de leurs relations. Les gens qui étaient capables d’accepter l’émotivité, de gérer la douleur et de partager la dimension émotive de la vie avaient tendance à se trouver plus heureux. Plus on vieillit, plus les valeurs profondes liées aux relations et aux contacts prennent de l’importance. Il est évident que ces aptitudes font une grande différence à long terme. À la fois sur notre capacité à performer et à collaborer avec les autres et sur notre bien-être à venir.

Mon travail en formation et en développement suppose essentiellement que les gens peuvent grandir et changer. Et je crois que nous sommes tous capables d’en faire plus si on s’en donne la peine. Là où l’on peut faire évoluer notre conception de la réalité par un plus grand nombre de points de vue, il y a du plaisir. Plus on se développe, plus on peut vraiment adopter davantage de perspectives et contribuer à la vérité dans un groupe. Et lorsqu’on peut aider les autres à tolérer la différence et à développer leurs aptitudes à assimiler davantage de perspectives, on favorise le changement de tout le système. Ces aptitudes nous aident non seulement à grandir, mais elles influent aussi beaucoup plus qu’on ne l’imagine sur les autres.    

 

1 Étude de Google : http://www.theatlantic.com/magazine/archive/2013/05/thanks-mom/309287/

2 Étude Grant Study : http://www.nytimes.com/2016/02/28/magazine/what-google-learned-from-its-quest-to-build-the-perfect-team.html?_r=2

 

 

 

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