Au sujet des distinctions, de la qualité de présence et de la performance

Il y a quelques semaines, j’assistais une équipe de direction lors de sa planification stratégique annuelle. À un certain moment durant le premier jour, l’équipe explorait ce qui pouvait être amélioré dans ses relations avec ses clients qui sont d’autres entreprises d’un holding (groupe). J’ai constaté que durant les échanges certains utilisaient le mot client alors que l’ensemble des entreprises du groupe a exprimé une volonté d’agir entre elles comme des partenaires.

Distinction entre fournisseurs et partenaires

Comme des représentants des clients-partenaires étaient présents, je leur ai proposé de s’exprimer sur la différence qu’ils voyaient entre une relation avec un fournisseur et une relation avec un partenaire. Des éléments comme la transparence, la collaboration constante et la recherche d’approches permettant d’optimiser l’ensemble sont ressortis. Et la discussion s’est poursuivie en énumérant des constatations et des actions pouvant améliorer les choses et surtout avec une intention renouvelée à agir authentiquement comme des partenaires.

Le langage, un outil à utiliser avec précision

Je réalise à quel point il est important pour un facilitateur ou un leader (en fait, tout le monde) d’être attentif au langage et de rendre explicite certaines distinctions qui permettent de soutenir l’exploration, la prise de conscience et d’améliorer les relations.

Je crois que le langage est l’élément fondamental qui alimente et forme la culture d’un groupe. Je pense que nous gagnerions beaucoup à développer une plus grande attention aux mots que nous utilisons et à prendre le temps d’explorer les nuances (distinctions subtiles) dans la signification que chacun leur attribue.

En visitant dans mon esprit des conversations du passé, je me rends compte à quel point il est fréquent qu’un même mot soit utilisé par plusieurs personnes dans une conversation, mais que la signification qui lui est donnée par chacun diffère, parfois même de façon significative. Malgré cela, la conversation se poursuit sans que personne pointe vers cette différence, et ce, soit parce que personne ne s’en rend compte ou encore que personne n’ose le faire.

Regardons dans l’autre sens, faire une distinction entre clients et partenaires

Durant l’après-midi, les partenaires n’étaient plus là. J’ai proposé d’explorer l’autre côté de la relation. C’est-à-dire, la distinction entre un client et un partenaire. Comme nous avions un peu plus de temps, sans aller jusqu’à faire le processus d’immunité au changement, j’ai proposé d’identifier les comportements fréquents qui sont en opposition avec l’objectif d’être un partenaire exemplaire.

Un comportement qui est ressorti est celui d’apprendre à lâcher prise et à respecter les choix que le client souhaite faire. J’entendais à la fois un accord de l’ensemble de l’équipe sur ceci et quelque chose qui clochait pour moi dans l’énergie. Pendant quelques minutes, j’étais à la fois présent à ce qui se disait et à rechercher à l’intérieur de moi l’incohérence que je ressentais.

Une autre distinction émerge : le lâcher-prise et la résignation

À un moment, une autre distinction a émergé et j’ai dit : « J’entends à la fois une belle volonté de contribuer positivement à la relation avec les partenaires en lâchant prise lorsque cela est approprié et quelque chose de négatif que je nommerais de la résignation. »

L’impact a été instantané. J’ai senti le niveau d’attention et de curiosité de tous augmenter significativement ainsi qu’une forte cohérence dans l’énergie du groupe. J’apprécie particulièrement ce type de moment, car il génère en moi l’impression que le groupe vient d’ouvrir une porte qu’il n’avait pas encore ouverte ensemble pour s’asseoir avec un bon café et explorer de nouvelles possibilités et apprentissages. Un grand potentiel qui se manifeste avec douceur!

Qu’est-il donc sorti de cette exploration de la distinction entre le lâcher-prise et la résignation? Les comportements et les mots peuvent être sensiblement les mêmes, mais dans le cas de la résignation, elle est accompagnée d’un ressenti négatif sans doute alimenté par un sentiment comme la déception, la frustration ou autre. C’est un indicateur qu’un besoin important n’est pas comblé ou que quelque chose d’important n’a pas encore été dit. Au service de la relation, cela mérite d’être exprimé d’une manière constructive pour éviter qu’un cercle vicieux s’installe.

Durant l’échange, certains ont également partagé des situations concrètes et ont pu s’aligner sur les comportements spécifiques à encourager. Cela a été riche pour l’équipe et, selon moi, cela lui a permis d’être plus confiante et aussi mieux outillée et solidaire pour atteindre son objectif.

La qualité de présence du facilitateur et plus

En rétrospective, je me dis que cet exemple illustre bien comment un facilitateur ou un leader (en fait, tout le monde!) a vraiment intérêt à cultiver sa capacité de présence. Selon moi, c’est un ingrédient essentiel permettant de faire des interventions qui sont une source importante et parfois profonde d’apprentissages.

Le développement de la capacité de présence à soi, aux autres et à l’environnement est en fait un point fort et unique de l’approche de facilitation intégrale développée par Ten Directions et Diane Hamilton. L’approche de facilitation intégrale est d’une grande richesse et intègre de façon cohérente le développement de la présence du facilitateur, la compréhension des dynamiques de groupe, les comportements du facilitateur ainsi que les structures et processus soutenant la facilitation. J’en profite donc pour vous proposer de participer avec moi en mai au premier atelier Next Stage Facilitation for Agile Practitioners.

Pourquoi est-ce important?

Mon intention dans ce billet est de partager quelques distinctions qui peuvent vous être utiles, de vous inviter à travailler votre capacité de précision et de nuances dans le langage et de vous sensibiliser au développement d’une qualité de présence stable avec tous vos sens ouverts; cela pour favoriser des conversations riches et menant à l’action concertée et ultimement à des résultats remarquables.

Certains se demandent sûrement comment il est possible de se pratiquer. Voici une suggestion :

  1. Choisir une distinction (lâcher-prise et résignation; partenaire et client; partenaire et fournisseur; etc.) qui vous interpelle à ce moment-ci de votre vie.
  2. Écrire quelques paragraphes en utilisant les questions suivantes :
    • Comment est-ce que je distingue A de B?
    • Quelle est la dernière fois où j’ai été exposé à A ou B?
    • Qu’est-ce qui s’est passé? Comment ai-je réagi? Quelles étaient mes pensées? Quelles étaient mes émotions?
    • Qu’est-ce que cela m’apprend sur moi? Sur les autres? En général?
  3. Quelles actions ou conversations émergent comme occasion de pratiquer?
  4. Go!

Par mon billet, j’ai aussi envie de vous partager la nécessité que je vois pour nos organisations de développer des leaders et des facilitateurs capables de travailler de façon fluide et créative dans un large spectre de dynamiques de groupe. Ces personnes se développent au-delà d’une exécution compétente et démontrent des niveaux sophistiqués en matière de capacité de présence et de facilitation.

Je serais ravi de lire vos propres histoires où les distinctions présentées ici (ou d’autres) vous ont permis de vous investir dans une exploration riche ou de débloquer une situation. N’hésitez pas à laisser un commentaire ou à communiquer avec moi en privé.

Et si changer le monde pour le mieux se faisait humblement, une conversation à la fois?

François Beauregard

J’ai une curiosité audacieuse, voire naïve, et je suis un grand explorateur du connu conventionnel. Inspiré par la déstabilisation du convenu et les ouvertures générées par la mise en lumière douce des perceptions d’incohérences, je suis convaincu que des possibilités attendent d’être réalisées bien au-delà – ou en deçà – de nos champs de vision.

Je suis passionné par le développement de logiciels et les organisations humaines. J’aime contribuer à des projets dont l’intention est d’explorer de nouveaux modes de fonctionnement et de gouvernance, tout en cherchant à maximiser la qualité de vie et la satisfaction personnelle de tous les participants.

Comme moi, peut-être êtes-vous intrigué.e par le phénomène de formation du “je” dont on parle dans une bio ?

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2 Commentaires

  1. gensiko@gmail.com'
    Geneviève Siko
    06/03/2015 at 14:17 — Répondre

    Merci de continuer à semer ces grains qui sont essentiels pour arriver à changer le monde pour le mieux.
    Surtout merci pour les suggestions de pratiques très concrètes.
    Vous êtes une très bonne source d’inspiration pour moi.

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