Dernièrement, Matthew Kern publiait un billet très controversé ayant pour titre Agile is dead. Nous avons demandé à deux des coaches Agiles de Pyxis ce qu’ils en pensaient afin de pousser la réflexion plus loin. Est-ce vraiment la fin de l’Agilité? Voici ce qu’en pensent nos collègues Steffan Surdek et Marc-André Langlais.

Steffan

Personnellement, je trouve qu’il y a un certain degré de vérité à l’énoncé, mais en même temps, c’est probablement écrit pour choquer et pour amorcer une discussion aussi.

C’est vrai qu’il y a un certain volet commercial à l’Agilité avec les certifications, les cadres (SaFE, DAD, etc.) qui donnent du travail à tout plein de consultants et beaucoup d’autres choses auxquelles je ne pense même pas en ce moment… Il y a toujours une réalité commerciale qu’on ne peut éviter. Dans ce monde, on présente souvent l’Agilité comme un processus à mettre en place.

Par contre, ce qui me fait réagir, c’est combien le terme « Agile » est galvaudé dans plusieurs entreprises. C’est parfois synonyme de pensée magique : « Si vous étiez plus Agiles, les choses iraient mieux… » C’est aussi parfois un symbole de cynisme : « On fait les choses vite et tout croches, mais c’est correct, car dans le fond tu sais, on est Agiles! »

Je crois qu’une partie de la réalité se trouve dans le fait que souvent les entreprises ne savent pas dans quoi elles s’embarquent lorsqu’elles adoptent l’Agilité. On s’imagine qu’on met tout simplement en place un nouveau processus, mais on oublie l’impact sur les gens. On oublie l’impact sur les gestionnaires qui doivent changer leur style de leadership. On oublie l’impact sur les membres des équipes de développement qui n’ont pas toujours la capacité d’agir dans une équipe auto-organisée.

Marc-André

Matthew Kern vise très juste avec cet article! Par contre, il est de mise de lire sa mise à jour pour bien comprendre son intention : Agile is dead 2. Effectivement, les boîtes de consultation intentionnellement orientées sur les profits et les agences de marketing ont effectué une transformation Agile à leur manière; c’est-à-dire qu’elles ont transformé un ensemble de valeurs et principes en produits qui, comme le décrit Kern, saturent le marché.

Ce qui me rassure dans le fait de faire partie d’une boîte comme Pyxis, c’est que nous nous appuyons non seulement sur les outils et technologies Agiles, mais également sur le savoir-être Agile, et ce, de façon significative dans nos interventions. « Agile, the Product », c’est comme un mauvais remake d’un bon film. Il teinte d’une façon négative l’intention initiale du manifeste. En contrepartie, « Agile, the Values and Principles » demeure un sacré bon classique tel que The Shawshank Redemption, Le Parrain, sans oublier Bill & Ted’s Excellent Adventure.

Si vous êtes de ceux qui pensent que l’Agilité est née au moment de la signature du manifeste, détrompez-vous. Les valeurs et principes Agiles découlent avant tout du désir d’avoir de meilleures organisations ayant une conscience plus humaine. Quelles sont les valeurs Agiles à part le souhait profond d’avoir un espace où les équipes peuvent créer de la valeur, collaborer et assurer un plus grand engagement de la part de leurs membres et aussi de pouvoir rapidement répondre au changement?

Ce souhait pour un monde meilleur, plus performant et soutenable a été énoncé pour une des premières fois dans les principes de William Edwards Deming. D’ailleurs, ses travaux font encore réagir certaines organisations après près de 70 ans. Ceux-ci sont l’origine même de l’amélioration continue qu’adoptent encore aujourd’hui les organisations. L’amélioration continue, c’est ce qui rend la méthode Lean soutenable dans les entreprises depuis plusieurs décennies. Et, de nos jours, cette méthode est encore utilisée.

Donc, oui, Agile est mort, et vive Agile! De fait, tant que nos initiatives s’appuieront sur les valeurs et les principes de l’Agilité plutôt que sur les méthodes et outils, il y aura des occasions pour les organisations d’adopter l’Agilité.

Comment accompagner les entreprises qui souhaitent être Agiles pour qu’elles en tirent des avantages?

Steffan

Maintenant lorsque je parle de mon travail en entreprise, je ne me décris plus comme un coach Agile, je décris ce que je fais comme étant du développement organisationnel. Lorsque je parlais de capacité dans la question précédente, cette partie est vraiment la clé. Pour qu’une transformation Agile soit durable, il faut travailler à développer la capacité des gens afin qu’ils puissent soutenir cette transformation après notre départ.

Quelle est la touche personnelle que tu apportes aux approches Agiles et qui fait la différence pour le client?

Steffan

Une partie de mon travail consiste à aider les équipes à adopter des approches Agiles, mais cet aspect est seulement un point de départ. En parallèle, je dois aussi travailler avec les gestionnaires pour qu’ils puissent développer de nouveaux réflexes de gestion afin de permettre à leurs équipes de s’auto-organiser. Je travaille aussi avec les membres de l’équipe afin de les aider à changer le niveau de leurs conversations d’équipe.

Je travaille également avec des équipes de gestion pour leur apprendre comment fonctionner en équipe entre elles afin qu’elles puissent être un modèle pour leurs équipes sur le terrain. Autant que possible, j’exige d’elles le même genre de transparence qu’elles demandent à leurs équipes.

Est-ce que tu as des exemples d’entreprises qui ont connu des succès Agiles?

Marc-André

Bien que cela me désole, je n’ai pas vu beaucoup de projets Agiles qui ont eu le succès escompté. En fait, je n’en compte qu’un. J’imagine qu’une des raisons étant le fait que j’ai souvent travaillé dans des environnements favorables aux changements organisationnels. Le problème, c’est qu’il y a trop souvent changement de garde, et les successeurs ressentent fréquemment le besoin d’effacer ce que le prédécesseur a mis en place. C’est malheureusement ce qui se passe quand l’adoption Agile est une initiative d’une division plutôt que de l’organisation.

Le plus gros succès que je connaisse est celui de la SQI (anciennement la SIQ). Des équipes multifonctionnelles, des comités bien rodés, une démonstration mensuelle aux équipes de gestion faite par les Product Owners… le tout dans un contexte gouvernemental. Le projet avançait à une allure soutenable, les employés étaient motivés, et il était pratiquement impossible de faire la différence entre un employé de la SQI et un contractuel d’une firme externe. Le projet a heurté un mur quand le gouvernement a changé et que les allégeances ont provoqué le départ des supporteurs à haut niveau.

En contrepartie, le plus gros échec, c’est celui d’une petite entreprise dans la région de Québec où l’équipe de développement avait décidé d’adopter Scrum afin de terminer un projet déjà en cours. L’employé qui a introduit Scrum dans l’équipe venait tout juste d’obtenir sa certification de Scrum Master. Il avait de très bonnes intentions, mais il avait une bonne côte à franchir face à la résistance de certains et au dysfonctionnement de l’équipe. Celle-ci manquait d’encadrement, de soutien et surtout d’expertise Agile. Pourtant le scénario était presque parfait vu le projet et sa complexité. Scrum a disparu quand un nouveau directeur avec une intention différente est arrivé dans la division.

Comment avons-nous fait évoluer l’Agilité à Pyxis?

Steffan

Notre contribution à l’Agilité est le focus que nous mettons sur les gens. C’est plus facile de se limiter à la mise en place d’un processus, mais c’est plus difficile de travailler avec les gens et de les engager dans le changement. Pyxis a fait des investissements importants au cours des dernières années afin de développer la capacité de coaching que nous avons. Ceci nous permet d’avoir un impact beaucoup plus significatif chez nos clients.

Marc-André

Au début, nous avons révolutionné les outils de gestion Agiles avec GreenHopper et Urban Turtle. D’après moi, l’évolution la plus importante à Pyxis a été de permettre aux gens d’évoluer sur le plan personnel, sur leur savoir-être. D’après nos clients, c’est une grande force à Pyxis. En même temps, cela a créé beaucoup d’incertitudes et d’inconnus à l’intérieur des murs de Pyxis. Le changement et l’évolution sont des concepts d’instabilité, et c’est parfois toxique pour des environnements d’être constamment dans ce mode. Bref, nous vivons parfois ce que nos clients vivent et je pense que ça développe une belle empathie envers nos clients.

Quel futur entrevoies-tu pour l’Agilité? Est-ce qu’il y a de nouvelles façons de faire ou on retourne aux approches traditionnelles? La vague DevOps est-elle vraiment amorcée?

Marc-André

Selon moi, l’Agilité est une continuation des principes d’E. W. Deming apparus au cours des années 1960. Nous avons simplement renommé les principes et les valeurs afin de nous ajuster au contexte technologique. Agile ne mourra pas demain, car il s’agit de valeurs et principes, et non pas d’une méthodologie. Par contre, je prévois que des méthodes telles que Scrum seront soit mises au rancart ou bien modifiées. Quant à DevOps, ce n’est que l’ajout d’un axe bien nécessaire, celui du soutien continu et inclusif des opérations. Sommairement, c’est une version de Scrum à laquelle on ajoute du soutien opérationnel. Je suis certain qu’au cours des cinq prochaines années nous allons être témoins d’autres changements et de l’arrivée de nouvelles méthodes.

Est-ce que l’Agilité devrait être appliquée uniquement au domaine du développement logiciel ou devrait-elle s’étendre à d’autres domaines?

Marc-André

Personnellement, je préférerais que l’Agilité ne soit appliquée que dans le contexte du développement logiciel. Ceci dit, je crois que les autres domaines devraient s’en inspirer pour développer un cadre de valeurs et de principes. Ce qui serait encore mieux : retourner aux principes de Deming et développer à partir de ceux-ci. Prenons Spotify comme exemple. Celle boîte a créé sa propre méthode fondée sur ses valeurs. Ils connaissent un succès retentissant avec leur version de l’Agilité, et je crois que c’est à la portée de toutes les entreprises qui désirent vraiment faire du développement et travailler à leur plein potentiel.

Conclusion

En terminant, Matthew Kern va plus loin dans sa pensée avec la deuxième partie de son article : Agile is dead 2. Avec plus de 15 années d’expérience en réalisation de projets Agiles et en accompagnement d’équipes, nous pouvons affirmer que les pratiques ont grandement évolué. Le stade d’adoption de l’Agilité est passé à un autre niveau. Certains appliquent bien la philosophie Agile, d’autres vont plus loin en s’outillant afin d’en tirer le maximum d’avantages. L’important, c’est que chacun à notre façon nous cherchons à améliorer nos façons de faire.

marie-eve trempe

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