Steffan Surdek est un de nos contributeurs clés sur Savoir Agile. Il y parle souvent de leadership et, pour la première édition de notre magazine, nous avons pris le temps de nous asseoir avec lui pour qu’il nous parle des défis que rencontrent les organisations en matière de leadership et qu’il a pu observer dans le contexte de son travail de coach.

Savoir Agile : Bonjour Steffan, peux-tu nous parler de toi ?

Steffan : Je suis à Pyxis depuis plus de 5 ans. Je suis conseiller principal, formateur, auteur et également conférencier. Chaque jour, j’aide nos clients à faire évoluer leur culture et à adopter des pratiques Agiles dans leur organisation. J’ai toujours été un mordu de leadership et, depuis 3-4 ans, mon travail consiste surtout à aider les leaders à libérer leur potentiel.

Quel est le plus grand défi des leaders dans les organisations où tu travailles ?

La taille et la forme des clients varient, mais ce qui me fascine particulièrement, c’est l’impatience des gestionnaires et des dirigeants quant à la vitesse du changement. Ce qui me fascine encore plus, c’est que plusieurs d’entre eux ne réalisent pas les répercussions de leur impatience sur leurs équipes et leur
organisation.

Malheureusement, plusieurs ne semblent pas réaliser que les gestes qu’ils posent en réponse à cette impatience empirent souvent le problème plus qu’il ne le résout.

Pourquoi les organisations sont-elles si pressées ?

Je constate que beaucoup de cultures organisationnelles exigent vitesse et résultats. Ces cultures poussent les gens le plus possible et le plus longtemps possible. Dans ces organisations, les leaders exigent beaucoup d’eux-mêmes et de leurs employés.

Lorsque ces entreprises entendent parler de pratiques Agiles de développement logiciel, ce qu’elles comprennent fait parfois plutôt peur. Parmi les fausses idées qu’elles se font relativement à la vitesse, celle que je préfère, c’est que l’on est supposé livrer plus rapidement quand on est Agile. Ainsi, ce qui prenait neuf mois à livrer devrait maintenant en prendre seulement trois.

Dans ce type d’organisation qui cherche une sorte de Saint Graal, on ne perçoit pas la partie de l’équation Agile qui concerne le changement humain et le changement de mentalité. On se concentre plutôt sur les processus et le besoin de les optimiser.

Lorsque j’aborde le changement avec les leaders de ces organisations, il semble que ça ne va jamais assez vite, mais je me demande souvent : pas assez vite pour quoi ? Pourquoi faut-il aller si vite ? Le plus curieux, c’est que lorsque je leur pose la question, souvent je n’obtiens pas de réponse claire. Cependant, une chose est sûre, ça ne va pas assez vite.

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À quoi ça ressemble des leaders pressés ? Comment agissent-ils ?

Étant donné la nature de mon travail, je rencontre les leaders organisationnels dans des contextes variés comme des cours de formation, ateliers et mandats de consultation. Chacun de ces contextes m’offre une perspective différente de leur culture organisationnelle et de la façon dont celle-ci pousse les leaders à agir. Cependant, là où j’en apprends le plus, c’est lorsque je vois les leaders interagir avec leurs équipes durant des ateliers ou mes mandats de consultation.

Ce que je perçois souvent ce sont des signes physiques d’impatience de la part des leaders. Lorsque des conversations semblent stagner, ils interviennent et poussent les gens dans la direction où ils souhaitent aller. Lorsque les conversations ne vont pas dans la direction souhaitée, ils interviennent et intimident leurs employés pour qu’ils se conforment à leur idée (sans le vouloir ou peut-être même volontairement).

Qu’est-ce qui découle de cette impatience ? Comment travailles-tu avec eux ?

Ce qui est intéressant, c’est que lorsque je parle avec ces leaders, que ce soit avant, pendant ou après mon mandat, plusieurs expriment verbalement leur impatience. Certains me disent combien ils souhaitent que leurs équipes « s’activent sinon… », alors que d’autres expriment leurs frustrations relatives à leurs employés en disant qu’ils ne comprennent tout simplement pas.

J’essaie de les écouter attentivement et sans jugement, mais le pattern qui revient souvent, c’est qu’ils ne prennent aucune part de responsabilité sur ce qui se passe dans leurs propres équipes.

Ils ne se rendent pas compte que lorsqu’ils intimident les membres de leurs équipes ou qu’ils imposent leurs idées, ils ne font que détruire tout engagement de ceux-ci. Ils ne remarquent pas que durant les réunions de brainstorming, ils parlent plus que leurs employés, fournissent les solutions, posent des questions fermées et ne permettent pas aux autres de dire ce qu’ils pensent.

Lorsqu’ils me parlent de combien leurs employés ne comprennent pas, ils expriment rarement la partie qui les concerne, soit le fait qu’ils ne savent pas comment renforcer les capacités de leurs équipes. Ce qui m’attriste, c’est qu’ils reconnaissent rarement que ça fait pourtant partie de leur rôle à titre de leaders dans l’organisation.

À titre de coach, comment te sens-tu quand tu vois les leaders adopter de tels comportements ?

Quand je vois les leaders imposer leurs idées, très souvent je ressens beaucoup d’empathie pour eux. La collaboration et la communication ne sont pas des compétences que l’on acquiert à l’école. Dans la vie et au travail, on est souvent évalué en fonction de notre performance individuelle, alors pourquoi devrions-nous collaborer ?

J’ai beaucoup d’empathie pour les leaders, aussi parce que souvent ils appliquent ce qu’ils voient dans leur culture organisationnelle respective et, pour être tout à fait honnête, à cause de cela, ils ne savent souvent pas qu’il existe d’autres façons de faire.

Qu’as-tu remarqué d’autre à propos d’eux ?

Chez plusieurs clients, je remarque des patterns similaires où les gens ont une vision du monde qui est très égocentrique. L’important, c’est ce qu’ils veulent accomplir et les besoins qu’ils veulent combler à titre individuel. Lorsque j’essaie d’élever le niveau de la conversation, par exemple à un niveau ethnocentrique, en parlant de ce qui serait le mieux pour le groupe, plusieurs sont désarçonnés. Dans la même discussion, ils continuent de parler de manière égocentrique.

À quoi t’attends-tu d’un leader dans une organisation ? Que devrait-il faire différemment ?

Le vrai travail d’un leader, c’est d’élever son discours et son travail à un niveau ethnocentrique. Quelle est la vision que l’on a pour sa tribu ? Comment veut-on qu’elle soit connue ? Quel est le défi qu’elle rencontre qui fait que tous devraient joindre leurs efforts pour atteindre un but commun ?

Et quand on commence à vraiment habiter cet espace, comment peut-on agir différemment ? À quoi ressemble le succès dorénavant ? Quels sont les résultats que l’on souhaite maintenant atteindre ?

Pour vous donner un exemple concret de ce que je vois souvent, dans une rencontre qui est au point mort parce que les gens ont de la difficulté à communiquer ensemble, comment peut-on travailler à partir de cet espace ethnocentrique et les aider à développer la capacité dont ils ont besoin pour s’améliorer et aller de l’avant ? C’est facile de bousculer les gens, mais il faut beaucoup plus de compétences et de patience pour créer quelque chose qui va avoir une vie qui lui est propre et durer.

Comment fais-tu pour présenter l’Agilité à tes clients ?

Je ne travaille plus vraiment avec l’intention de faire des transformations Agiles. Ne vous méprenez pas, je vais continuer d’accompagner les organisations dans leur utilisation des pratiques Agiles et Lean, mais ça fait partie d’un dessein plus grand que nous tentons d’accomplir ensemble.

Simplement dire « nous adoptons l’Agilité », ça ne veut pas dire grand-chose. Je vois des équipes qui tiennent des rencontres de planification de sprint, des mêlées quotidiennes, des revues de sprint et des rétrospectives, alors que peu parmi les personnes présentes comprennent ce qu’elles doivent faire pendant ces réunions.

Le défi, c’est que si on leur en fait part, elles vont dire que tout se passe bien parce qu’elles peuvent cocher les cases se trouvant à côté de chacun de ces éléments. Elles ne savent tout simplement pas ce qu’elles doivent savoir, mais elles se conforment aux exigences et tiennent les réunions prévues.

L’existence de telles équipes résulte du fait qu’on veut aller vite. Les leaders veulent prendre des raccourcis. Mais, savez-vous quoi ? Ça ne marche pas ! On peut payer maintenant ou payer plus tard, mais il y a un prix à payer pour bien intégrer le changement.

Comment les leaders peuvent-ils stimuler les gens dans leur organisation ?

Il faut tout d’abord qu’ils soient clairs sur la vision qu’ils ont pour leur tribu. Comment veulent-ils qu’elle soit connue ? Comment lui partagent-ils cette vision et, encore mieux, comment l’impliquent-ils activement dans la définition de la vision et dans son application ? Quel est l’avenir sombre auquel la tribu aura à faire face par défaut qui fait que tous devraient joindre leurs efforts pour atteindre un but commun ?

Quels sont les éléments clés que tu aimerais que les leaders retiennent après avoir lu notre conversation ?

Cette année, un des éléments clés que je partage souvent avec les clients, c’est la distinction qu’il faut faire entre conformité et engagement. Dans cette course pour atteindre des résultats, les leaders réalisent-ils l’impact de leur impatience sur leur style de leadership personnel ? Quel est le résultat de leur style de leadership sur leurs équipes ? Est-ce que cela crée un climat de peur en assurant la conformité ou est-ce que cela provoque de l’excitation et favorise l’engagement ?

Le piège que les leaders doivent éviter c’est de penser qu’on ne détecte pas leur impatience. Les gens comprennent assez vite quand ils voient le leader gigoter sur sa chaise pendant les réunions ou quand celui-ci rabroue les personnes qui ne disent pas ce qu’il souhaite entendre. Aussi, lorsqu’il ne prend pas le temps de vraiment écouter ses gens exprimer leurs inquiétudes et d’agir pour dissiper celles-ci ou lorsqu’il ne veut pas écouter leurs points de vue… Croyez-moi, ils le savent.

Par conséquent, si le changement est quelque chose d’important pour le leader, comment peut-il le communiquer à ses équipes ou dans l’organisation ? Comment peut-il amener les gens à prendre part au changement et réussir à exploiter les idées de tout le monde ? Quelle est sa part dans le développement de la capacité des autres à assurer la pérennité du changement ?

Cependant, la question la plus importante c’est comment fait-il pour élever son leadership afin de créer de l’espace pour les gens autour de lui et vraiment les soutenir ?

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