Peut-être avez-vous déjà entendu l’expression « la culture mange de la stratégie au petit déjeuner », signifiant que la stratégie est valable en autant que la culture a la volonté et la capacité de la mettre en place ? La culture de l’entreprise peut être vue comme la façon dont on fait les choses ici. Elle a le pouvoir d’élaborer ou de nuire à tout plan stratégique que vous et votre organisation aviez prévu suivre.
Une façon de découper la culture d’une organisation, c’est de se référer aux trois niveaux de culture d’Edgar Schein :
- Ce qui est observable — Ça comprend les artefacts, les comportements et les interactions entre les gens. C’est-à-dire tout ce qu’on enregistrerait si on s’assoyait dans un coin en observant tout simplement les gens en train de travailler. Par exemple, on remarque que la dynamique de notre culture a un rythme accéléré, où on parle vite et où on interrompt les autres.
- Ce qui a de la valeur et qu’on croit être vrai — Ça comprend les idéaux, les aspirations et les rationalisations. Si on observait les gens en train de travailler, on pourrait se demander quelles sont les valeurs et croyances motivant leur façon d’agir. En d’autres termes, qu’est-ce qui fait que ce qui est observable a du sens ? Par exemple, on interrompt ceux en train de parler et parle vite parce qu’on valorise la vitesse et l’efficacité.
- Ce qu’on suppose et prend pour acquis — Ça comprend les croyances et préjugés spontanés. Puisqu’on n’en a pas conscience, on ne peut découvrir ces hypothèses qu’en se demandant ce qui donne un sens aux valeurs et croyances. En d’autres termes, sur quoi semble-t-on s’entendre implicitement sans en parler ? Par exemple, nous devons croire d’emblée que c’est une perte de temps si on ralentit et prenons le temps de nous écouter.
Pourquoi est-ce important ? Si votre stratégie implique des activités nécessitant que votre organisation soit plus réflective et engagée à appliquer des processus d’apprentissage collectif plus profond, votre culture ayant une dynamique accélérée éprouvera des difficultés parce qu’elle agira selon sa culture; c.-à-d. selon l’hypothèse collectif implicite que c’est une perte de temps si on ralentit pour prendre le temps de s’écouter.
Ainsi, si la culture mange la stratégie, comment la structuration organisationnelle mange-t-elle la culture?
Trois types de structurations organisationnelles
La socio-technique est une discipline scientifique et de recherche portant sur les interactions entre la société et la technique. Ces interactions sont en partie linéaires (prévisibles) et en partie non linéaires (complexes et imprévisibles). De plus, elles n’augmenteront pas la performance organisationnelle à moins d’effectuer une optimisation conjointe de la performance technique et de la qualité de vie au travail.
La socio-technique parle de trois principes de structuration organisationnelle fondés sur ce que l’on croit et prend pour acquis (3e niveau de culture de Schein) concernant la façon que les relations entre les gens, les tâches et les responsabilités — y compris le pouvoir, l’autorité et le contrôle — devraient être structurées dans les organisations.
Ces principes ne sont pas des structurations de ceux-ci ni en soi, mais ils produiront des structures ayant de grands effets prévisibles sur les gens qui les utilisent, et ce, peu importe leur personnalité respective.
Premier principe : redondance des gens
Ce principe de structuration suppose que la « redondance des gens » assure la flexibilité organisationnelle; c’est-à-dire l’accès à un grand éventail « d’employés » ayant les compétences nécessaires pour réaliser certaines tâches dans l’organisation. On pense qu’on ne peut pas faire (entièrement) confiance aux gens; on doit donc les tenir pour responsables de manière individuelle.
Le résultat observable de cette façon de penser, c’est une structure où la responsabilité du contrôle et de la coordination se situe à un niveau au-dessus de celui où le travail est effectué.
L’exemple classique, c’est une bureaucratie avec autorité hiérarchique : l’organisation est vue comme une « machine » comportant plusieurs niveaux de gestion pour la faire fonctionner et pour déplacer des pièces (gens) autour d’elle ainsi que pour les mettre dedans ou dehors (embauche et congédiement).
Deuxième principe : redondance des fonctions
Ce principe de structuration suppose que les gens peuvent apprendre à assumer plusieurs fonctions dans l’organisation (y compris l’auto-gestion). On croit que les gens sont dignes de confiance, qu’ils vont assumer leurs responsabilités.
Cette façon de penser se traduit par des structures où la responsabilité du contrôle et de la coordination se situe au niveau où le travail est réalisé.
Ce principe crée des organisations démocratiques auto-gérées où la gestion est une fonction d’équipe intégrée plutôt qu’un poste. Comme c’est indiqué ci-dessus, il s’agit d’une description d’un principe de structuration et non d’une structuration en soi. Il y a autant de variantes d’organisations auto-gérées qu’il y a de variantes de bureaucraties avec autorité hiérarchique.
Principe de non-structuration : laisser-faire
Comme principe de structuration, le laisser-faire suppose essentiellement que la liberté assure la flexibilité organisationnelle; il n’y a aucune structuration ni structure restrictive. C’est un genre de « redondance de liberté personnelle ». Il ne comporte aucune croyance relative à la confiance.
Le laisser-faire peut créer toutes sortes de structures formelles, informelles et aléatoires où la responsabilité du contrôle et de la coordination est indéterminée ou répartie à différents endroits.
Des exemples classiques d’organisations appliquant le principe du laisser-faire, ce sont les universités où l’on permet aux employés de satisfaire leurs passions sans trop d’égard au contrôle et à la coordination du travail dans l’organisation.
Conclusion
En faisant remonter la culture de notre organisation aux croyances implicites que nous avons et aux hypothèses machinales que nous faisons sur les gens, relations et communications, nous pouvons voir comment celles-ci guident la façon dont on fait les choses ici. Si on veut influencer notre culture, on doit prendre conscience de ces hypothèses et en tenir explicitement compte dans nos conversations.
De plus, la façon dont nous nous organisons et dont nous organisons notre structure organisationnelle ainsi que notre structuration organisationnelle est guidée par le principe de structuration que nous utilisons. Le tout va façonner la façon dont nous pensons que nos organisations devraient être structurées en termes de gens, de tâches, d’autorité, de responsabilité et de contrôle. En ce sens, « la structuration organisationnelle mange la culture » parce que notre culture est intrinsèquement liée à la structure organisationnelle que nous privilégions.
Reconnaissez-vous le principe de structuration qui domine dans votre organisation ?
Comment votre structuration organisationnelle influence le comportement des gens ?
Comment la structuration favorise la culture que vous souhaitez ou comment nuit-elle à celle-ci ?
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