Des startups, des sociétés de capital de risque, leurs intentions conflictuelles et la désillusion d’un coach Agile

Partie 3 de 4 – La réalité frappe de plein fouet

Faisons un saut dans le temps, plus précisément de 4 mois et 12 jours. Non, je ne suis pas resté à compter les jours en surveillant le téléphone; j’ai simplement remarqué la date à laquelle j’ai envoyé mon courriel.

Bon, depuis tout ce temps, notre rêve s’était plutôt évanoui pour ce qui est d’aider des investisseurs en capital de risque à adopter un cadre de travail Agile pour leurs startups. On pourrait croire que c’était en raison du découragement de ne pas avoir reçu de réponse de la part de Matt et Dave, mais ce n’était pas le cas. Quoique, peut-être un peu. Laissez-moi vous dresser un portrait complet de la situation.

Au cours des mois suivants, notre entreprise avait connu un essor et obtenu une certaine reconnaissance. Un investisseur connu en capital de risque (pas celui pour lequel Matt et Dave travaillaient) avait communiqué avec nous et nous avait demandé si nous voulions collaborer avec lui pour aider ses entreprises en démarrage. Étant quelque peu sceptique (les mauvaises expériences peuvent parfois nous rendre méfiants), je lui avais demandé de nous rencontrer pour une brève discussion.

Plus prudent que la dernière fois, je me suis assuré que le rendez-vous aurait lieu à son bureau, à une date et à une heure précises. En effet, il est plus rare qu’une personne ne respecte pas ses engagements lorsque le rendez-vous a lieu dans ses propres bureaux. Il a accepté et nous a demandé d’apporter tout document qui pourrait soutenir notre contribution dans cette expérience avec lui pour l’accueil et l’intégration de startups.

Mon partenaire d’affaires et moi avions préparé un résumé de l’approche Agile globale que nous adopterions, y compris les résultats, les coûts et les contraintes. Nous étions plutôt enthousiastes à l’idée de profiter de cette occasion pour expérimenter notre approche auprès d’une startup.

Le jour J était arrivé. Nous étions assez excités à l’idée de la rencontre. Nous nous dirigions vers les bureaux de l’investisseur, situés dans le quartier industriel de la ville. L’une de ses analystes financières nous accueillit : « Entrez, nous vous attendions », nous dit-elle en esquissant un petit sourire poli. « Je m’appelle Kim. »

Nous nous sommes serré la main :

« Bonjour, Kim, je m’appelle Marc. »

« Et moi, Ben. C’est un plaisir de vous rencontrer. »

Kim a serré la main de Ben : « Veuillez me suivre. »

Nous avons emprunté le corridor, tourné à gauche et sommes entrés dans un grand bureau meublé d’un immense téléviseur d’environ 72 po ou plus, de murs d’écriture et d’une vitrine contenant plusieurs trophées qui, selon mes déductions, ne pouvaient appartenir qu’au fondateur de l’entreprise.

Nous nous somms assis en silence pendant que Kim sortait du bureau. « Je vais chercher Michael et Terry », nous a-t-elle informés tout en fermant la porte. Quelques instants plus tard, elle revenait avec les deux hommes. Nous nous sommes présentés rapidement, leur avons serré la main et nous sommes assis de nouveau. Terry et Kim se sont installés de part et d’autre de Michael, le fondateur. Le tout ressemblait à une scène de “The Apprentice”.

Michael a entamé la discussion : « Comme nous vous l’avons expliqué, nous aimerions savoir si vous êtes en mesure d’améliorer notre processus d’accueil et d’intégration d’entreprises en démarrage. » J’ai répondu sans hésiter : « Absolument! Si vous me le permettez, j’aimerais vous montrer l’intégralité de notre processus Agile d’intégration et de suivi de startups. Il s’agit de… »

Michael m’a interrompu brusquement :

« Pas de suivi, seulement l’accueil et l’intégration. »

« Euh, oui, certainement. Notre approche consiste en une évaluation globale de l’entreprise en démarrage selon quatre sphères : le produit, la technique, les finances et le côté humain. Nous… »

Rapidement, Michael est intervenu en m’interrompant une deuxième fois : « Combien coûtent les sphères relatives au produit et à la technique, uniquement? » En ajoutant aussitôt :

« Nous ne sommes intéressés que par la diligence raisonnable concernant le produit et par les capacités techniques de l’équipe. »

« Oh! mais le fait d’améliorer la capacité des équipes à faire face aux changements et à la complexité ne permettrait-il pas ultimement d’ajouter de la valeur à… »

À nouveau, Michael m’a interrompu : « Si je dois investir, ce sera dans le marketing, pour réaliser des gains, percevoir des intérêts. Si les membres de l’équipe doivent se perfectionner, ils pourront financer le perfectionnement eux-mêmes. » Euh… j’étais sans mots. « Absolument, oui. »

Manifestement, Michael était un homme d’affaires pragmatique qui s’assurait de rentabiliser chaque seconde. « Quel est votre tarif pour ce travail? » Ben et moi avons échangé un regard, pris d’une légère panique :

« De quoi avez-vous besoin : d’un document de deux pages avec des avertissements ou d’un document exhaustif et approfondi à propos du produit? »

« Seulement un document d’une page avec des points sur lesquels porter une attention particulière. »

Sans même consulter Ben, j’ai aussitôt lancé :

« 2 000 $. »

« D’accord. Nous fournirons la première startup au début du mois prochain, a-t-il précisé en se levant et en ramassant le dossier avec lequel il était entré dans le bureau. « Kim, peux-tu t’occuper des formalités? Merci! »

Puis, il s’est retourné vers Ben et moi : « C’est un plaisir de collaborer avec vous. » Sur ce, il est sorti de la salle plus rapidement qu’il n’y était entré.

Terry s’est levé, nous a serré la main expéditivement et s’est dépêché de rejoindre Michael, déjà disparu dans le corridor. Kim s’est également levée et a ajouté : « Je vais m’occuper des formalités administratives et vous enverrai une copie à réviser et à signer. » J’étais complètement sonné par ce qui venait de se produire et j’ai mis du temps à comprendre que Kim nous invitait à nous lever et à quitter la salle.

Sans dire un mot, nous sommes retournés à notre bureau en un peu plus de 30 minutes, toujours sous le choc de la rencontre avec Michael, Terry et Kim. Je me suis assis dans un fauteuil pendant que Ben s’emparait de la bouteille de whisky située dans notre cachette secrète. Il s’agit d’une bouteille coûteuse que nous avons reçue à l’ouverture de notre entreprise et que nous dégustons lors d’occasions très spéciales seulement, ce qui était manifestement le cas. Ben m’a tendu un verre contenant quelques glaçons et, complètement abasourdi, je lui ai demandé : « Mais que vient-il de se passer? » Il m’a regardé, aussi interloqué que moi, tout en versant du whisky dans mon verre. Puis, il s’est assis, après s’être servi un verre.

Nous sommes restés immobiles et silencieux, le regard perdu dans une peinture de Lacaille représentant de jeunes enfants qui jouent au hockey dans la neige.

 

marc-andré langlais

Diplômé en génie informatique de l’École Polytechnique de Montréal en 1998, Marc-André compte plus de 15 années d’expérience en TI. Au cours de sa carrière, il a occupé plusieurs rôles dans des domaines variés, ce qui lui permet d’avoir une vue d’ensemble du cycle de réalisation d’un projet.

Afin d’ouvrir ses horizons, il a résidé en Belgique de 2002 à 2009. C’est à partir de 2005 qu’il s’intéresse à la gestion de projet et aux méthodes Agiles, en particulier Scrum et Extreme Programming (XP). Depuis, il accompagne, forme et prend en charge des équipes sur des projets complexes.

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