L’être humain a ceci de fascinant qu’il est parfois incapable de prendre conscience de la réalité dans laquelle il évolue et de s’adapter en conséquence. En effet, c’est assez paradoxal de constater que l’Homme a eu les capacités incroyables de créer un monde terriblement complexe, mais pas celles de prendre conscience de cette complexité et de s’y adapter.

La logique serait donc d’accepter que, pour aborder cette complexité, il soit compliqué de trouver la bonne solution dès la première tentative et, de fait, qu’il soit normal de commettre des erreurs. Pourtant, nous sommes bien souvent conditionnés et incités (éducation, scolarité, etc.), à ne pas tolérer l’erreur, que ce soit les nôtres ou celles des autres, et à la considérer comme un échec.

C’est donc malheureusement cohérent de retrouver cette logique au sein de nos entreprises. En effet, vous êtes-vous déjà demandé ce qui suit : Dans les sociétés dans lesquelles vous avez évolué, votre management vous donnait-il vraiment le droit à l’erreur ? L’accordiez-vous vraiment à vos collègues ? Est-ce que votre organisation considérait les erreurs comme un moyen de s’améliorer ? Vous en donnait-elle les moyens ? Le constat est souvent sans équivoque…

Mais alors, comment expliquer que l’un des grands principes de l’Agilité, c’est d’accorder le droit à l’erreur aux personnes, aux équipes, au management ?

La base de l’Agilité reste de mettre l’humain au centre de l’organisation et des projets d’une entreprise. Pour cela, plus que de changer les processus en place ou d’appliquer une nouvelle méthode, le principal enjeu sera de parvenir à changer les valeurs et les comportements des individus. Parmi eux, le droit à l’erreur est un critère essentiel que l’on retrouve dans de nombreux aspects de l’Agilité. Par exemple, il constitue le fondement des équipes apprenantes, des cycles itératifs ou encore des piliers de Scrum que sont l’inspection et l’adaptation.

Avec l’Agilité, ce sont donc de nouveaux comportements qui vont être valorisés. On va responsabiliser les équipes et on va les inciter à faire des hypothèses, à accepter le fait qu’elles puissent se tromper, à parler de leurs erreurs dans un cadre sécurisant et bienveillant…

Voici les comportements qui favorisent l’adoption du droit à l’erreur au sein d’une organisation :

  • la bienveillance : Envers soi et envers les autres afin d’envisager l’erreur comme une source d’amélioration ;
  • l’empathie : Totalement indispensable pour accorder le droit à l’erreur à quelqu’un ;
  • le courage: Pour s’autoriser ou autoriser une autre personne à émettre une hypothèse et accepter qu’on puisse se tromper ;
  • l’humilité : Afin d’accepter que tenter de s’améliorer ne soit pas une chose aisée et soit souvent un échec ;
  • la vision à long terme : Pour investir dans les individus et croire en leur capacité d’apprendre de leurs erreurs afin de livrer plus de valeur dans un climat épanouissant. Cette démarche prend évidemment du temps.

Par conséquent, il est important de garder à l’esprit que si, avant la mise en place de l’Agilité, le droit à l’erreur était totalement absent, la transition vers une organisation qui l’accepte risque de prendre du temps. Il est fort possible que certaines personnes aient du mal à se l’accorder ou à l’accorder aux autres. Encore une fois, il est important de ne pas se juger ni de juger les autres et de se donner du temps pour que cela devienne un comportement accepté et acquis.

Pour faciliter cette adoption, on va également chercher à créer des climats sécurisants et bienveillants pour permettre aux individus et aux équipes d’échanger sur les erreurs qu’ils auront commises. Cela peut notamment être le cas lors des rétrospectives de fin d’itération. Le but sera alors de changer de paradigme et de passer du blâme, qui soulage les ego, mais n’amène souvent rien de constructif, à la recherche de solutions afin d’apprendre et de s’améliorer.

Pour autant, le droit à l’erreur n’est pas que théorique et doit s’appliquer concrètement aux projets que vous allez devoir mener. De nos jours, il est admis qu’il est impossible d’anticiper l’ensemble des facteurs qui vont influer sur un projet, particulièrement en développement logiciel. Cela signifie que chaque projet va comporter, au fur et à mesure de son avancée, de nouvelles contraintes, des changements de priorité du métier, de mauvais choix technologiques, etc. Dans ces conditions, il serait aberrant de considérer qu’une équipe ou un individu ne va pas commettre d’erreurs durant la réalisation du projet.

Aussi, plutôt que d’essayer de masquer les erreurs qui seront forcément commises, l’Agilité prône leur transparence aussi tôt et régulièrement que possible. Des itérations courtes permettront des boucles d’inspection très fréquentes. Le but est d’habituer les équipes, donc les individus, à rentrer dans des cycles du type : hypothèse, erreur possible, inspection, apprentissage, adaptation, nouvelle tentative.

Grâce au droit à l’erreur, les équipes ne verront plus leurs erreurs comme un échec, une fatalité. Elles y verront plutôt une occasion de s’améliorer de manière continue. C’est ce type de fonctionnement qui permet aux équipes de devenir des équipes apprenantes.

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Il est également intéressant de constater qu’en plus de favoriser des équipes apprenantes, le droit à l’erreur est aussi pour l’entreprise la clé pour obtenir des équipes innovantes. En effet, l’innovation est l’aspect réussi d’une prise de risque, d’une tentative, d’une recherche. Néanmoins, elle est beaucoup plus complexe à obtenir que l’autre aspect qui est l’erreur. Les équipes vont se tromper plus souvent qu’elles vont innover, beaucoup plus souvent ! Donc, vouloir l’innovation revient obligatoirement à accepter l’erreur.

Toutefois, malgré tous les avantages que l’on peut retirer de l’Agilité, elle n’est bien entendu pas la solution à tous les problèmes. En effet, l’Agilité ne va pas empêcher les gens de commettre des erreurs dans une organisation, au contraire. Elle permettra en revanche de les rendre transparentes rapidement et régulièrement et, surtout, elle permettra aux personnes d’apprendre de ces erreurs dans le but de s’améliorer. En résumé : se tromper vite pour apprendre vite.

En revanche, il existe de nombreuses organisations dans lesquelles l’erreur n’est pas acceptée, et cela entraîne des comportements beaucoup plus nocifs pour les individus ; ce qui réduit de beaucoup les sources de valeur pour l’entreprise. En effet, il est tellement mal vu ou inacceptable de se tromper que lorsqu’une erreur arrive, et elle arrive toujours, on constate ce qui suit :

  • Une énergie folle est dépensée afin de masquer l’erreur plutôt que de l’accepter.
  • On préconise de masquer une erreur plutôt que de tenter de la corriger et d’apprendre de celle-ci.
  • Le problème va resurgir, beaucoup plus tard, et il sera alors bien plus difficile à résoudre que s’il ne l’avait été tout de suite.

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Dans ce genre d’environnement, voici les comportements que nous pouvons malheureusement constater :

  • le stress résultant de nos erreurs, sachant qu’elles arriveront forcément ;
  • la honte d’être confronté à nos erreurs de manière non constructive ou accusatrice ;
  • la perte de confiance en soi en pensant que nos erreurs sont liées à un manque de compétence, de professionnalisme, etc.
  • l’immobilisme par peur de faire différemment et de se tromper ;
  • le blâme de l’autre lorsque nous commettons une erreur.

Dans ces contextes-là, la notion de droit à l’erreur est intéressante avec le prisme du manager ou du dirigeant. En effet, dans les entreprises, la plupart des managers et dirigeants s’interdisent le droit à l’erreur afin de maintenir une certaine « illusion de pouvoir ». Comme si, en haut de la pyramide hiérarchique, on n’avait pas le droit de commettre des erreurs afin de préserver sa légitimité, sa crédibilité. Pourtant, il est intéressant de les aider à voir ce que ça pourrait leur apporter de sortir de cette « illusion de pouvoir » et de constater l’impact que cela peut avoir sur les équipes et les individus. Il peut y avoir des changements radicaux dans la manière dont les équipes perçoivent les managers et les dirigeants si ceux-ci sont plus transparents sur leurs doutes, leurs erreurs et les apprentissages qu’ils en tirent.

En conclusion, si vous en avez la possibilité, je ne peux que vous inviter à expérimenter le droit à l’erreur dans votre organisation, avec toute la bienveillance et l’ouverture que vous avez à offrir. Les résultats peuvent être incroyables, à tout niveau.

Enfin, il est possible que vous n’ayez pas apprécié cet article, que vous ne l’ayez pas trouvé pertinent. Si tel est le cas, voici une superbe occasion d’exercer votre capacité à accorder le droit à l’erreur. 😉

Thomas Gibot

Scrum Master et Coach Agile à Pyxis Suisse, Thomas s’est plongé dans l’Agilité en 2010 et continue d’y évoluer avec une passion et un plaisir toujours grandissants. Il aime promouvoir des environnements fiables, créatifs et efficaces.

Il travaille avec des équipes de direction et des équipes opérationnelles dans l’adoption et la mise en œuvre de principes et de cadres agiles. Il donne plusieurs formations sur l’agilité pour ses clients.

Depuis 2018, Thomas est également Coach Intégral certifié.

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3 Commentaires

  1. Julie.proteau@hotmail.com'
    Julie proteau
    17/10/2018 at 12:15 — Répondre

    Je suis sans mot! TELLEMENT en accord avec cet article. Sans droit à l’erreur, l’agilité prend de drôles de formes.

  2. vincent.trocme@engie.com'
    TROCME
    23/02/2021 at 08:47 — Répondre

    Bonjour,
    votre article est très intéressant et s’appuie sur l’environnement mis en place par le management de l’entreprise.
    Avez vous des préconisations pour aborder l’erreur, et développer une toléance à l’erreur quand on est un salarié, celui qui FAIT l’erreur?
    en vous remerciant.

  3. tgibot@pyxis-suisse.com'
    Thomas
    03/03/2021 at 04:38 — Répondre

    Bonjour,
    Merci beaucoup pour votre commentaire et ravi que l’article ait de l’intérêt pour vous.
    Pour répondre à votre question, je vous propose volontiers de prendre un temps pour en discuter de vive voix si vous le souhaitez. A vous lire.
    Thomas

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