Le bip de mon calendrier vient de se faire entendre. La rencontre aura lieu dans dix minutes, et je sens le stress qui monte en moi. Je sais quel en sera le sujet, et je n’ai qu’une envie : me trouver une raison pour m’en sauver. J’espère qu’un miracle se produira et que je recevrai une annulation juste avant l’heure. Toutefois, rien ne se produit. Je me dirige donc vers la salle de réunion; cet endroit que je perçois désormais comme une arène de combat d’où je ne sais comment sortir.

Pause! C’est une sensation familière ou une situation déjà vécue?

Je crois que c’est le cas pour beaucoup de gens, y compris moi-même. J’ai parfois cette sensation d’aller à l’abattoir, et c’est désagréable, voire nocif. Pourquoi? Qu’est-ce qui fait que nous avons ce sentiment d’impuissance et de vulnérabilité qui déclenche des réflexes de protection? Pourquoi est-ce que je n’arrive pas à avoir le contrôle sur moi-même? Je devrais être en mesure d’affronter ça comme un grand! Mon avis est que nous ne sommes pas suffisamment entraînés et outillés verbalement et physiquement pour faire face à ces situations. Une conversation difficile ou stressante peut très bien provoquer les mêmes émotions et sensations qu’une attaque physique. Notre système limbique ne fait pas la différence; ainsi, une attaque verbale peut déclencher nos réflexes de défense.

Trois types de réactions défensives

Les attaques durant une conversation déclenchent les mêmes réflexes que les attaques physiques. Si je recevais un coup de poing, j’aurais tendance soit à figer, à fuir ou à foncer. Si je me place dans une situation de conversation, voici comment je pourrais réagir selon ces trois types de réactions :

Figer

Tout s’arrête. Je suis incapable de parler, voire de bouger. J’entends ce qui se passe, mais c’est comme si mon cerveau avait arrêté de fonctionner. Aucune réponse ne me vient à l’esprit. Au final, j’encaisse la conversation et ma participation est minime. Au moment de sortir de la rencontre, j’ai besoin de temps pour intégrer ce qui vient de se passer et c’est après coup, lorsque le niveau de stress redescend, que mon cerveau est en mesure de réfléchir. C’est le moment des « J’aurais dû dire… »

Fuir

Je ne suis simplement pas là. Je fais en sorte que la rencontre soit reportée ou encore je suis complètement absent mentalement. Je fuis aussi loin que possible et je pense à tout sauf à ce qui se passe actuellement. J’ai le sentiment qu’il se passe quelque chose, mais je reste absent et ma participation est quasi nulle. Une fois la pression descendue, quelques images me reviennent en tête et surtout j’ai le sentiment que ça va se produire de nouveau.

Foncer

Alors là, c’est tout le contraire. Je réplique et je me défends. J’attaque à mon tour, je me justifie et je cherche à gagner la bataille. Car c’est bien dans une bataille que j’ai l’impression d’être. Mon niveau de réaction se limite généralement à ma capacité de me protéger. Après la rencontre, j’ai parfois l’impression d’en avoir trop fait ou d’avoir mal interprété ce qui m’a fait réagir.

Comment ne pas être esclave de nos mécanismes de défense?

L’aïkido est un art martial japonais basé sur l’esquive et la défense. Le but est de ne pas contrer les attaques, mais plutôt de les accueillir, à l’aide de mouvements, afin de contrôler et de diriger l’attaque. C’est un art de mouvement, de déplacement, de calme et de maîtrise de soi.

Je pratique l’aïkido depuis 17 ans. Lorsque le coup de poing arrive réellement, je ne cherche pas à tomber immédiatement dans le piège des trois types de défenses. Je cherche plutôt à accueillir l’attaque et à entrer dans la danse. L’aïkido verbal se veut exactement la même chose. Il s’agit d’entrer dans la danse de la conversation.

Et concrètement, comment ça se passe?

Exemple : « Dave, le document que tu as écrit est vraiment incompréhensible! »

Pause… mentale et physique. Le but est de ne pas succomber à la tentation qui, dans ce cas-ci, serait de me justifier, bref de répliquer.

L’aïkido verbal nous invite ici à sourire. Intérieurement, voire extérieurement. C’est la première étape. Je ne veux pas tomber dans le piège de mes réflexes. Je veux faire comme avec le coup de poing et entrer dans la danse. En aïkido, c’est l’esquive. Je me déplace légèrement. Je laisse le coup de poing passer proche de moi et ensuite je passe à l’étape du déséquilibre. Plutôt que de répliquer, je veux considérer la position de la personne qui m’attaque. Je veux valider son point de vue et surtout ramener la discussion à un niveau où nous pouvons tous les deux converser plutôt que subir. Ça pourrait prendre la tournure suivante :

« Hum! ce document n’est peut-être pas mon meilleur! », dis-je.

« Oui, c’est ce que je dis! », répond mon interlocuteur.

Le déséquilibre a eu lieu, car nous sommes en train de parler de la même chose plutôt que de débattre chacun de notre point de vue et de tenter de faire valoir le meilleur. Le déséquilibre est empreint d’un peu d’humilité, qui va si bien avec le sourire, et qui va vers le désir de rétablir une harmonie dans la conversation. Le but de l’aïkido verbal n’est pas de coincer par la suite son adversaire et de le mettre au tapis. Le but est d’esquiver une attaque, de déséquilibrer la charge négative qui l’accompagne et ensuite de rééquilibrer afin que nous soyons mieux alignés sur notre conversation. Ainsi, chacun en sort digne et respecté. Donc, au moment d’appliquer une technique pour mettre fin à ce qui semblait au départ être un affrontement, voici ce que je dirais : « Qu’est-ce que ça prendrait pour améliorer mon document? »

S’entraîner à se maîtriser

Comme tout art, l’aïkido verbal demande de l’entraînement. Comme tout débutant, il est important de franchir une étape à la fois, une conversation à la fois. Le simple fait de s’entraîner à faire une micro-pause et à accueillir la conversation avec un sourire, c’est une grande étape à franchir et pour y arriver, il faut se pratiquer. Le livre sur l’aïkido verbal est un bon point de départ pour en comprendre l’essence et l’appliquer. Tout est dans l’intention du moment. Si votre intention est de participer pleinement, les conversations ne seront pas plus difficiles, elles ne seront que des conversations.

dave jacques

Dave a la certitude que l’Agilité peut aider les gens à s’améliorer et à améliorer leur travail. Il a à cœur la satisfaction de ses clients et il a toujours le souci d’ajouter de la valeur. Il porte une attention particulière tant au savoir-faire qu’au savoir-être. De plus, il contribue au développement de ces deux facettes.

Formateur, Scrum Master (PSM 1, CSM), coach, leader, analyste, développeur, Dave porte plusieurs chapeaux, souvent en même temps, lors de ses interventions en développement de système. En plus de l’Agilité, il est un amant du thé, de l’écriture et de l’aïkido.

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