Dans le cadre d’une récente conférence-midi présentée par la Chambre de commerce et d’industrie de Laval, j’ai eu la chance de passer un passionnant moment à marcher dans les souliers d’un maestro. Alain Trudel, chef principal et directeur artistique de l’Orchestre symphonique de Laval, y était invité pour parler à la communauté d’affaires lavalloise de la vie d’un chef d’orchestre.
De la sélection des œuvres, au recrutement, en passant par la représentation et le financement, Alain Trudel nous a dépeint le fascinant portrait d’un leadership à la fois fort, déterminé et tout en souplesse.
En présentant la portion de son travail dédiée à la direction d’orchestre, maestro Trudel m’a amené sur une piste intrigante : comment amener les musiciens à NE PAS « jouer pour ne pas se tromper » ? Bien sûr, le Québec a la réputation de former et d’attirer des musiciens de grande qualité, en parfaite maîtrise de leur instrument. Ils sont formés pour ne pas faire d’erreurs. Pourquoi voudrait-on qu’ils soient dans un autre état d’esprit ? Et bien sûr, en interprétation classique, le public s’attend, à tout le moins, à une prestation sans faille, non ?
De l’aveu même du maestro, lorsque les musiciens jouent pour « ne pas se tromper », même les non-initiés sentent le manque de conviction, de passion. Une prestation parfaite devient alors quelconque. Lorsqu’on joue pour ne pas se tromper, on s’impose une pression additionnelle qui réduit l’inspiration. Et c’est l’inspiration qui donne lieu à de grandes interprétations.
Pour le maestro, le secret réside dans les répétitions. C’est à ce moment qu’à titre de chef d’orchestre, il amène les musiciens à prendre des risques, à partager des points de vue, à explorer des nuances, à faire les erreurs et les apprentissages qui transformeront la future prestation publique de l’orchestre. La répétition est un terrain de jeu… sérieux !
Comment cela peut-il se transposer dans le monde des affaires ? Comment créons-nous des occasions de répétitions où les erreurs et les expérimentations sont bienvenues ? Où et quand donnons-nous droit à l’erreur à nos équipes ?
Alors que tout produit, tout projet, tout sprint, toute itération, toute rétrospective, toute réunion et tout déploiement ne doivent comporter aucun risque, comment pouvons-nous permettre à nos gens d’explorer de nouvelles approches ; ce qui leur permettra ainsi de s’exprimer avec tout le talent dont ils sont capables lorsque la situation l’exigera ?
Le droit à l’erreur fait partie des nouvelles vertus organisationnelles (et qui s’oppose à la vertu ?). Je vois et j’entends tous les grands gourous de la gestion et de l’innovation en vanter les avantages. Et pourtant, je vois peu de moments consacrés formellement à la répétition comme véhicule d’apprentissage dans les organisations. J’en conviens, c’est difficile. Les risques sont élevés, la visibilité est grande, les heures sont comptées (les dollars aussi).
J’aurais envie de proposer qu’un des rôles importants du leader soit de créer des espaces sécurisés où il est possible de jouer avec les règles, de faire des choses différemment, et ce, en toute impunité. Comment pouvons-nous créer ces espaces et les rendre visibles à tous ? Comment le ferez-vous demain ?
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