En tant que Scrum Masters, nous pouvons parfois avoir de la difficulté à passer outre nos inconforts et paradigmes. Nous pouvons avoir peur d’agir. Peur de provoquer des remous, peur des réactions des autres… peur d’avoir peur?

Lorsqu’on constate des situations où ces peurs et ces craintes se manifestent, c’est alors le meilleur moment de faire une introspection, de faire une petite rétrospective personnelle. Vous avez décidé que « sortir de votre zone de confort » serait votre nouvelle devise, mais jusqu’où êtes-vous prêt à aller réellement?

  • Quels sont les sujets qui sont tabous pour vous et pour l’équipe?
  • Qu’êtes-vous prêt à faire et à ne pas faire?
  • Quelles situations êtes-vous prêt à tolérer?
  • Quel est le niveau de tolérance de chacun des membres de votre équipe?
  • Sont-ils cohérents avec la tolérance globale de l’équipe?
  • Qu’êtes-vous prêt à tolérer, vous, envers les autres?
  • Que voudriez-vous que vos collègues tolèrent de vous?

Que de questions difficiles, mais c’est dans ce genre de situation que vos valeurs et vos paradigmes sont les plus mis en évidence, les plus mis au défi… Et c’est une belle occasion de prise de conscience de soi, d’apprentissage et d’amélioration.

Au début de ma carrière, j’ai été superviseur d’un centre d’appels d’une entreprise saisonnière. Année après année, j’avais à recruter et à former les membres de l’équipe de soutien. Afin d’assurer une certaine qualité dans les services, j’essayais, avec les moyens disponibles, de créer un climat où les équipiers aimeraient revenir l’année suivante.

Ce renouvellement constant de personnel amenait évidemment son lot de défis. Je me rappelle particulièrement une certaine année où deux équipiers réguliers (à leur deuxième ou troisième année) étaient venus me voir pour se plaindre des odeurs corporelles de Michel (appelons-le ainsi), un nouveau membre de l’équipe. Selon eux, toute l’équipe avait de la difficulté à le tolérer. On gardait les conversations très courtes lorsqu’on avait à lui parler.

Moi, j’avais mon propre bureau. Donc, certains avantages. Porte que je pouvais fermer à ma guise… pour couper le bruit, bien sûr! Je pouvais leur dire de s’en occuper, d’être des adultes. Je pouvais facilement ignorer la situation, puisque, de toute façon, la saison tirait à sa fin et que très bientôt, tout le monde serait mis à pied jusqu’à l’année suivante. Je pouvais leur laisser l’inconfort d’en parler au cours d’une rétrospective ou encore tout faire pour simplement étouffer l’affaire. C’était la première fois que je faisais face à un problème aussi personnel et si peu professionnel. J’étais à la fois ébranlé dans mes tabous et mes convictions et incrédule que l’équipe puisse en faire tout un plat… Qu’est-ce que je devais faire?

C’est alors que j’ai eu un flash-back de mon premier cours de natation lorsque j’étais enfant. Piscine publique extérieure vers 8:00 un samedi matin. Eau froide au sortir du lit… Debout sur le plongeon, je n’avais vraiment pas envie d’y aller, alors que tout ce que ça prenait, c’était le petit pas de plus qui permet de passer le point de non-retour. Le petit pas marginal, si court et si difficile à la fois. Au moment précis où on quitte le plongeon, on ne peut pas revenir en arrière et changer d’idée. On appréhende le choc thermique, la crise d’hypothermie, mais une fois dans l’eau je me suis rendu compte qu’après tout, ce n’est pas si pire que ça.

Alors, pour Michel, j’ai décidé de plonger… Michel était performant et apprécié des clients pour ses connaissances. J’espérais qu’il revienne l’année suivante. Le plus important, en fait, c’est qu’en tant qu’individu, Michel en valait la peine. Il était important. Je lui devais bien ça. Je souhaitais que son contact avec la réalité ne soit pas trop abrupt, ne lui fasse pas trop mal, bien entendu. J’ai convoqué Michel et lui ai parlé avec des mots qui ne culpabilisent pas.

Je me suis approprié son problème et j’ai trouvé des arguments qu’il pouvait facilement s’approprier. Lui ai-je menti? Un mensonge blanc, comme dirait ma grand-mère, un mensonge rempli de bonnes intentions. Je lui ai dit qu’il m’arrivait d’oublier de mettre du déodorant le matin parce que je partais trop vite puisque j’aime trop dormir. Pour régler ce problème, je gardais un bâton de déodorant dans le tiroir de mon bureau. C’était sûrement son cas, non?

En faisant preuve d’empathie (le « moi aussi ») et en offrant une porte de sortie honorable (« partir vite le matin »), Michel ne s’est pas senti visé dans sa personne. Après cette rencontre, il est sorti de mon bureau content de notre entretien. J’ai rencontré de nouveau les délateurs pour les informer que j’avais rencontré Michel, mais je ne les ai pas laissés partir si facilement. J’en ai profité pour les sensibiliser à la puissance de l’empathie.

Au cours des semaines qui ont suivi, j’ai constaté un changement. L’équipe taquinait gentiment Michel, allant même jusqu’à lui demander : « As-tu un rendez-vous galant pour sentir bon comme ça? ». Il était devenu graduellement le petit gars de l’équipe. Le petit frère à protéger. J’ai travaillé plusieurs autres années dans cette entreprise et, au moment où je l’ai quittée, Michel y travaillait toujours… à plein temps… en tant que chef d’équipe.

Les leçons que j’en ai retenues?

  • Refuser de tolérer ou d’ignorer une situation, aussi délicate soit-elle, a permis de cimenter l’équipe un peu plus et de développer un climat de confiance.
  • Sortir réellement de sa zone de confort est déstabilisant, mais l’expérience est tellement enrichissante.
  • Tout peut être dit… il suffit de bien choisir ses mots.
  • Les défauts largement publicisés et reconnus obscurcissent les qualités et les compétences d’une personne.
  • Nos actions peuvent provoquer des résultats insoupçonnés. L’inaction aurait peut-être privé l’entreprise d’un employé de talent.
  • Faire preuve d’empathie et respecter l’autre ne sont pas des concepts réservés aux gestionnaires. Les équipiers en ont aussi le droit!
  • Les équipiers ont quand même contribué à l’acceptation de Michel en étant cohérents avec leur niveau de tolérance et de confort.
  • J’ai vécu un moment de bonheur purement égoïste (je l’assume) et j’ai le sentiment d’avoir fait une petite différence dans la vie de Michel.
  • M’assurer de ne jamais manquer de déodorant dans le tiroir du bas fait partie de mes habitudes…

Et vous, racontez-moi une situation où vous avez décidé de sauter dans la piscine malgré l’eau froide. Qu’avez-vous retenu? Comment vous êtes-vous senti?

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