Le héros est la perle rare, la référence, le joueur clé, la personne qui doit absolument être là. Il est lié à des projets qui ne démarrent pas sans lui. Impossible de changer quelque chose sans son approbation, il est indispensable au fonctionnement de l’entreprise, son savoir est bien gardé et recherché.

Dans un environnement qui lui est fertile, l’attitude héroïque prend toujours plus d’expansion et elle s’infiltre dans tous les processus de l’entreprise, dans la façon de communiquer et aussi dans la façon de se percevoir soi-même. Le problème ne réside pas dans le fait que des gens agissent en héros, il survient plutôt lorsqu’ils restent des héros à temps plein. Au lieu d’être un moyen d’affronter une situation particulière, cette attitude devient alors une posture, une identité, une façon de vivre. Elle devient la façon de gérer toutes les situations.

Plus qu’une posture, une identité…

Prenons comme exemple une gestionnaire qui était auparavant membre d’une équipe et qui dans le cadre de ses nouvelles fonctions, reste encore attachée au contenu et dicte à son équipe comment faire, approuve les décisions, utilise son droit de veto.

Ou encore, un architecte qui possède une vaste connaissance de l’entreprise puisqu’il y est depuis plus de quinze ans. Tout le monde va le voir pour lui poser des questions, en personne, par courriel, au téléphone. On l’invite dans presque toutes les rencontres. Sa disponibilité est si limitée qu’on est prêt à déplacer ou retarder des initiatives pour être certain qu’il puisse être présent et au final, il arrive en retard et doit partir avant la fin.

Ou alors, un consultant qui est enfin arrivé avec les réponses et prend en charge la situation que personne n’était en mesure de gérer. Il exécute son plan, possiblement en dehors des heures de bureau, et on finit par le garder ou renouveler son mandat indéfiniment puisqu’il est le seul à pouvoir nous aider.

Derrière cette attitude, il y a des gens qui ne sont pas mauvais. L’attitude héroïque est en fait une réponse aux situations qui se présentent à nous. La difficulté survient lorsque les gens associent cette attitude à leur façon d’être, lorsque leur titre devient aussi important que leur identité.

« Je suis un gestionnaire, je suis un analyste, je suis… »

Changement de statut

Que se passe-t-il lorsque ce titre est menacé par un quelconque changement? Pensons par exemple aux notions de multidisciplinarité, d’auto-organisation et d’automatisation des tâches. Les gens se protègent, ils cherchent surtout à ce que leur titre ne change pas puisqu’il est attaché à leur identité, à leur vie. Donc, quand vient le temps pour une entreprise de changer, il est très difficile de le faire au détriment de ses héros. Imaginez que votre meilleur développeur connaît presque toutes vos applications, qu’il est spécialisé dans une technologie précise et que le marché évolue vers autre chose. Il ne serait plus la référence et donc de moins en moins indispensable.

Il y a donc un inconfort, un changement de statut, de pouvoir, d’influence. Cela crée du stress, des inquiétudes, de la méfiance. L’identité du héros s’en voit alors ébranlée. Comment composer avec le fait qu’il est encore très utile de par ses connaissances, sans limiter l’intégration constante des changements dans le marché et l’évolution des responsabilités des employés? Quelle serait votre approche dans ce cas? Protéger le héros? Le laisser partir? Tenter de lui cacher la vérité? Changer son rôle?

Les rôles changent en fonction des objectifs

Face à un tel questionnement, j’observe plus souvent une culture du statu quo qu’autre chose. Les changements sont lents, les nouveautés sont rares, les projets sont priorisés en fonction d’occuper les gens le plus possible et les héros sont protégés des changements. Pourquoi? Parce que le héros est valorisé. On a plus peur de perdre le héros, ou de cesser de l’être, que de faire la meilleure chose en fonction des objectifs. Dans le cas des titres, il s’agit de dissocier le titre de la personne. Une personne peut jouer plusieurs rôles, un rôle peut être rempli par plusieurs personnes et les rôles vont changer dans le temps en fonction des objectifs.

Lorsqu’un héros accueille cette possibilité, il devient totalement à l’aise d’être un héros dans une situation précise et est en mesure de changer d’attitude et de rôle dans une autre. Son identité n’est pas associée à un titre ou un rôle, mais plutôt à sa grande capacité d’adaptation et de faire grandir les gens autour de lui, peu importe la situation. Les choses fonctionnent super bien lorsque cette personne est là et fonctionnent quand même lorsqu’elle n’y est pas.

Prenons l’exemple de l’expert qui est la référence ou ce que j’appelle « le grand dictionnaire. » Cet expert a réponse à tout et très rapidement. Donc, les gens développent le réflexe d’aller le consulter. L’effet secondaire est que les gens ne développent pas la capacité de trouver les réponses eux-mêmes, donc quand le héros-expert n’est pas là, c’est difficile. On peut changer cette dynamique en changeant les questions et les réponses. Comme héros, plutôt que de répondre sur le coup, on peut poser les questions suivantes :

  • Qu’est-ce que tu comprends de la situation?
  • Qu’est-ce que tu as essayé jusqu’à maintenant?
  • Qu’est-ce que tu vas essayer ensuite?

Le but est d’amener la personne à développer sa capacité à réfléchir et à trouver des solutions en ayant pour guide le héros qui peut l’empêcher de tourner en rond, car ce dernier peut aider à entrevoir les prochaines étapes. Du même coup, la personne qui pose une question au héros, devrait le faire afin de comprendre comment trouver la solution et non demander une réponse directe et complète. Comme gestionnaire, il serait judicieux d’encourager cette pratique.

L’attitude héroïque est alors un enjeu pour l’individu, son entourage et l’entreprise. Si on veut avoir plus d’adaptabilité, d’innovation, de performance, de flexibilité, de réponse au changement, et donc être en mesure de faire face à la complexité grandissante, il devient important de comprendre l’attitude héroïque, son étendue et comment la faire évoluer.

dave jacques

Dave a la certitude que l’Agilité peut aider les gens à s’améliorer et à améliorer leur travail. Il a à cœur la satisfaction de ses clients et il a toujours le souci d’ajouter de la valeur. Il porte une attention particulière tant au savoir-faire qu’au savoir-être. De plus, il contribue au développement de ces deux facettes.

Formateur, Scrum Master (PSM 1, CSM), coach, leader, analyste, développeur, Dave porte plusieurs chapeaux, souvent en même temps, lors de ses interventions en développement de système. En plus de l’Agilité, il est un amant du thé, de l’écriture et de l’aïkido.

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1 Commentaire

  1. rachel.lebeau30@hotmail.com'
    Rachel Lebeau
    05/03/2019 at 17:22 — Répondre

    Excellent texte Dave. Ton rôle est d’amener les gens à bien analyser leur comportement et les faire grandir pour le bien-être de l’entreprise mais surtout pour celui des individus. Bravo et je sais que tu le réalises très bien.

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